DIWALL AN ABERIOU

 

LE PROJET D'USINE DE TRAITEMENT DE LISIER DE LANNILIS :
UNE SOLUTION ILLUSOIRE !

On nous annonce la construction à Lannilis d'une usine de traitement de lisier. Une trentaine d'éleveurs de porcs l'utiliseraient pour éliminer leurs excédents de cette nature. Le lisier serait débarrassé de la plus grande partie de ses nitrates par un procédé biologique, à base de bactéries.

Il serait même valorisé mélangé à des déchets organiques divers (déchets gras, d'abattoirs, de conserveries de poissons etc...), il produirait par fermentation un biogaz -dont on tirerait du méthane- ainsi qu'un compost Les effluents résiduels seraient rejetés en mer. Alors finies les pollutions qui surchargent nos eaux de nitrates et nos terres de métaux lourds ?
Enfin un remède? En vérité, remède largement illusoire et cette illusion sera dangereuse.

Ne seront traitées, il faut le redire, que les quantités de lisier en excédent par rapport aux surfaces d' épandage disponibles. Donc, les épandages continueront. Mais, nous dit-on, ils ne devraient pas dépasser le volume autorisé celui-ci correspond à la dose maximale de matières azotées d'origine organique que peuvent, en principe, absorber les plantes (170 Kg à l'ha).
Quelle valeur peut-on accorder à cette norme ? Il est en effet question de l'abaisser, ce qui souligne ce qu'elle a d'arbitraire..

A quelque niveau que l'on en fixe le maximum épandable, est-on assuré d'ailleurs que le lisier épandu sera entièrement assimilé par la végétation ? Nous sommes, on le sait, dans une région fréquemment arrosée. Une pluie inopinée pendant un épandage ou peu après, voilà notre nitrate, très soluble, qui ruisselle avec elle. Peut-on croire, enfin, que les éleveurs résisteront tous à une tentation étaler sur les champs un peu plus de lisier qu'ils n'y sont autorisés, puisque cela coûte moins cher de l'épandre que de le traiter ? Et pour prévenir une telle tentation, pourra-t-on s'en remettre au contrôle des quantités épandues, par une autorité trop souvent défaillante? Les métaux lourds, quant à eux (cuivre, zinc), qui entrent dans l'alimentation des porcs et que l'on retrouve dans leurs excréments, continueront à s'accumuler dans le sol. Il en est de même des phosphates en excédent.

Or le degré de dégradation de nos ressources naturelles fait de la région des Abers l'une des plus polluées du Finistère. C'est ainsi que la teneur en nitrates de l'Aber-Wrac'h, mesurée au point de prélèvement de ses eaux, se situe en moyenne autour de 63 ou 64 mg/l, ce qui place à cet égard la rivière au 2ème rang après l'Horn. L'état des eaux souterraines, plus significatif encore, car il est durable ou n 'évolue que lentement, nous met à peu près à la même place la concentration en nitrates dans la plupart des forages avoisine les 100 mg/l ou les dépasse, ce qui oblige à en abandonner périodiquement.

Présentée comme devant remédier à un tel état de choses, qui n'est d'ailleurs pas exclusivement imputable à l'agriculture, l'usine projetée ne vise à réduire, on l'a vu, que les anomalies les plus criantes au regard de la réglementation découlant de la directive nitrates de l'Union européenne.

Encore ne le fera-t-elle pas sans risque pour les eaux marines les effluents liquides qu'elle y rejettera, s'ajoutant à ceux de stations d'épuration communales (Lannilis et Landéda) et industrielle (usine d'algues), contiendront encore des éléments azotés. En définitive, tout en atténuant quelque peu les conséquences d'un système d'élevage intensif, le projet envisagé va faire perdurer ce système. Le fonctionnement de l'usine exige en effet des éleveurs qu'ils l'approvisionnent d'une manière continue en excédents de lisier.

Cette obligation les installe dans le type d'élevage générateur de tels excédents, et pour longtemps l'usine devra fonctionner pendant 15 ans, pour être amortie. Enfermés dans ce régime, nos producteurs de porcs ne verront guère de raisons d'en sortir. Ne disposeront-ils pas d'un équipement leur permettant désormais d'accroître leur production sans augmenter leurs épandages? Certes, l'arrêté préfectoral qui autorise chacun d'eux à exploiter, a fixé un plafond à son effectif de porcs.

Mais en l'absence d'un appareil de contrôle efficace et même s'il en existait un, quelle peut être la force d'un règlement devant la loi du marché? Soumis aux fluctuations cycliques des cours, qui caractérisent le marché porcin, les éleveurs, que ne freinera plus la crainte de déjections animales supplémentaires, seront périodiquement poussés par la montée des prix, à produire plus. Ainsi se dessine une perspective dangereuse. Conçue pour pallier des pollutions, l'usine projetée ouvre la voie à une intensification du système qui les engendre. Et les pouvoirs publics y prêteraient la main en finançant, pour une bonne part, l'investissement correspondant !

Alors que dans le même temps ils réorientent les aides à l'agriculture dans un sens incitant à produire mieux. La mise en place de l'usine ne pourrait, en conclusion, se comprendre que comme un élément s'insérant dans cette nouvelle politique. Elle devrait alors, à l'échelle de notre région, faire partie d'un plan d'ensemble embrassant les deux bassins versants de l'Aber-Wrac'h et de l'Aber Benoît. Il s'agirait, par ce plan, d'éradiquer les principaux facteurs de pollution des sols et des eaux.

Dans ce contexte, notre équipement aurait à terme un sens très net, puisqu'il aurait contribué à créer les conditions lui enlevant sa raison d'être. En se plaçant dans cette perspective, nos agriculteurs assureraient sur le plan économique l'avenir de la profession agricole. Cela implique une réforme de leurs méthodes. Mais ils en ont la capacité, pour peu qu'on les soutienne, comme en témoigne la manière dont le monde paysan a su évoluer au cours de son histoire. Ils répondraient en même temps aux attentes de la soçiéte attentive à la sauvegarde de la santé publique et à la préservation des équilibres naturels.